samedi 26 mars 2011

N.Boukrouh entre auto-dénigrement et auto-critique

Dans la troisième partie de sa contribution,publiée aujourd'hui dans les colonnes du Soir d'Algérie,Noureddine Boukrouh fait le rapporochement entre le monde arabe et le Japon.Il commmence tout d'abord par une très grossière erreur historique lorsqu'il affirme :"Le Japon a failli devenir un Etat musulman.
En effet, c’est de justesse et par un mystère de l’Histoire qu’il a échappé à une invasion menée au XIIIe siècle par les Mongols islamisés qui aurait fait de lui, si elle avait réussi, un émirat ou un khânat. A l’époque, la «pax mongolica» régnait sur de larges portions de la planète, et la Chine était dirigée par la dynastie Yuan fondée par Kubilaï Khan
".En effet,l'auteur confond très clairement entre les Mongols partis vers l'ouest à la conquête du monde arabo-musulman et qui s'islamiseront au contact de ce dernier avant de revenir sur leurs pas et conquérir l'Inde,à l'image de Tamerlan et ses successeurs et les Mongols d'extrême-orient qui ont conquis la Chine dont faisait partie Kubilai Khan et qui,quant à eux,se sont convertis au Bouddhisme.Les mongols partis à la conquête du Japon étaient donc Bouddhistes et non musulmans.
Mais passons à des discussions plus théoriques.Plus loin N.Boukrouh affirme"A la fin du XIXe siècle, le Japon était sommé par les puissances occidentales de s’ouvrir au commerce international et d’ouvrir son pays dont aucune force étrangère n’avait foulé le sol. Son retard, dû à son insularité, était tel qu’il était sur le point d’être colonisé. Militairement, économiquement et techniquement, il était «colonisable». Mais culturellement, socialement et psychologiquement, il ne l’était pas, comme il ne l’a jamais été, ni ne le sera."D'abord comment peut-il être sûr que le japon ne sera jamais colonisable?Il l'a lu dans une boule de cristal ou bien dans le marc de café?Ensuite,la thèse qui transparait en filigrane dans ce passage à savoir qu'il y aurait des peuples colonisables "par nature" et d'autres non,est une déformation très grossière de la théorie de la colonisabilité de Malek Bennabi dont il prétend être le disciple.En effet toute l'oeuvre de Malek Bennabi était une tentative de diagnostication des maux qui rongeaient les sociétés musulmanes de son époque pour les faire sortir de leur sous-développement et insinuer,comme le fait l'auteur de la contribution,qu'il y aurait des peuples colonisables "par nature" serait en contradiction flagrante avec une telle démarche.D'autre part,le Japon au début de l'ere Meiji en 1860 était exactement dans la même situation que celle dans laquelle se trouvait l'Egypte soixante ans plus tôt avec son entrée en contact brutal avec la civilisation occidentale à la faveur de la conquête napoléonienne du pays après plusieures siècles de lethargie profonde.La seule différence étant que le Japon a su soigneusement éviter les erreurs commises par le monde arabe dans son effort de renaissance.Mais en 1860,le Japon était aussi colonisable que la Tunisie,l'Algérie ou le Syrie.
A la fin de l'article,Noureddine Boukrouh revient à son sport favori:la caricaturation à l'excès et l'autodénigrement sans limite:" Si la renaissance européenne a été un retour à l’Antiquité, aux Lumières de la rationalité gréco-latine, avant de prendre les formes de la révolution intellectuelle et des conquêtes techniques les plus spectaculaires, celle du monde arabomusulman a été un retour à la théologie et à la théocratie.".Est-ce par ignorance ou par mauvaise foi manifeste qu'il parle ainsi?Ignore-t-il ou fait-il semblant d'ignorer que presque toutes les "expériences" ont été tentés dans l'ere arabo-musulman au cours des cent dernières années,du sécularisme le plus caricatural (Turquie de Mustafa Kemal,Tunisie de Bourguiba,Iran de Reza Pahlavi...)au stalinisme le plus dogmatique en passant par le néo-libéralisme à la sauce FMI et qui se sont toutes conclues par des échecs monumentaux?
Et d'abord c'est quoi cette propension à passer sans transition du coq à l'âne?Est-ce "sa rationalité et sa modernité" qui l'ont poussé à évoquer tout d'un coup et sans aucun développement cohérent,tel un deus ex machina la renaissance occidentale et la "rationalité greco-latine" après avoir parlé en long et en large de l'expérience japonaise?N'est-ce pas cela justement le symptome le plus flagrant d'une profonde décadence d'une certaine frange de l'intelligentsia,incapable de soutenir une argumentation rigoureusement cohérente?
c'est tellement confortable de se complaire dans une posture d'auto-dénigrement systématique qu'on confond lamentablement avec une auto-critique salutaire et féconde.

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