La "guerre" lingustique entre adeptes de la langue française et défenseurs de la langue arabe est un sujet récurrent dans la scène culturelle et même politique algériennes.Dans sa chronique hebdomadaire publiée aujourd'hui dans le journal Liberté et intitulée "Victorieuse,l'Algérie n'a,par contre,pas fait la guerre à la langue française",le linguiste Abdennour Abdeslam a traité la question d'un point de vue idéologique très prononcé.Il serait intéressant d'analyser cette chronique et de déconstruire les partis-pris idéologico-politiques sous-jacents à son argumentaire.
Tout d'abord,l'auteur commence par évoquer la journée du 19 mars,date de la signature des accords d'Evian qui ont abouti à l'indépendance de l'Algérie.Ensuite,il fera remarquer que "tous les documents par lesquels la lutte a été planifiée et annoncée,ceux par lesquels elle a été expliquée,ceux par lesquels la diplomatie combattante a été menée ont tous été pensés,réfléchis et transcrits en langue française".Ce qui est tout à fait exact.Mais là où on commence à être en désaccord avec lui,c'est lorsqu'il affirme tout juste après "C'est par l'usage de la languer française que le monde diplomatique et intellectuel entendra la voix de la lutte pour la libération.Ainsi,cette langue nous était devenue une arme qui a desservi les siens".Ainsi,la langue française est promue par l'auteur du statut de simple instrument qui a véhiculé la voix du peuple algérien en lutte,à celui d'une sorte de force intrinsèquement émancipatrice.De ce point de vue,si les dirigeants de la révolution algérienne ont utilisé le français,aussi bien dans le fonctionnement interne des structures du FLN que dans l'action diplomatique internationale,ce n'est pas faute de maitriser une autre langue que le français(comme l'arabe,par exemple),mais parce que cette langue serait plus efficace qu'aucune autre dans l'accomplissement du but visé à savoir,l'indépendance du pays.Sans changer le fusil d'épaule,Abdennour Abdeslam passe ensuite à la période post-indépendance et évoque le bref passage de Mostefa Lacheraf dans les années 70 au ministère de l'éducation:"L'entretien qu'il accordera à la défunte revue Révolution Africaine autour des grandes perspectives de son ministère restera une intervention historique.Historique,d'une part,par sa déclaration,empreinte de lucidité et d'un sens des responsabilités élevé,à travers laquelle,il projetait de rétablir l'efficacité de l'outil linguistique mais abandonné pour des raisons idéologiques stériles.En outre,il dénonça la gabegie d'une arabisation irreflechie et et le bannissement du savoir cartésien dont avait grandement besoin le pays".La campagne d'arabisation entreprise depuis l'indépendance a-t-elle été parfois caractérisée par la précipitation et les excès?Sans doute.Y a-t-il eu décision politique de "bannir le savoir cartésien"?On aimerait bien savoir où et quand.A moins bien sûr que notre chroniqueur considère que "savoir cartésien" signifie laicisme primaire(qui n'a donc rien de rationnel ni cartésien).Mais ce qui est le plus intéressant dans le passage cité plus haut,c'est le lien établi inconsciemment ou non entre "arabisation"(réflechie ou irréflechie) et "bannissement du savoir cartésien".Le savoir cartésien serait donc inhérent à une langue(le français) et antinomique avec une autre (l'arabe).
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