Des groupes Facebook ont été ouverts récemment pour boycotter les journaux arabophone Echorouk et Ennahar.Je ne cherche pas à défendre ces deux journaux que je n'apprécie guère,mais il serait intéressant(et très instructif) de retourner un peu en arrière et d'examiner les conditions qui ont favorisé la percée spectaculaire de ces deux journaux.
A la faveur du "printemps démocratique" algérien(1988-1991)des centaines de journaux et de périodiques en tous genres dans les deux langues(arabe et français)ont fait leur apparition dès la promulgation de la loi sur l'information en 1990.Mais cette extraordinaire profusion de titres s'avèrera être de courte durée,surtout pour la presse arabophone.
A peine,les institutions du Putsch de janvier 1992 le Haut comité d'Etat notamment)installées,les restrictions contre la liberté de la presse ont commencé.Les premiers à en être victimes étaient bien sûr les journaux du FIS ou réputés proches de ce parti(El Mounqid,El Forqane et El Balagh,deux journaux arabophones sur trois ce qui était déjà pas mal).Mais ce n'était qu'un début.Face à la décision d'interrompre le processus électoral,la presse algérienne s'est scindée en deux:une partie de la presse (en majorité francophone)a choisi de soutenir sans réserve le choix du coup d'Etat et de l'annulation des élections et une autre partie(majoritairement arabophone) s'est montrée très critique à l'égard de cette option,ce qui n'était bien sûr pas du goût du pouvoir en place qui a décidé d'actionner la machine répressive.C'est ainsi qu'en vertu de l'Etat d'urgence,un decret autorisant le gouvernement à suspendre toute publication qui représenterait un "danger pour l'odre public" sans passer par la justice a été publié.Bien sûr,la majorité des journaux privé ont goûté aux affres de la suspension administrative après la publication de ce decret quelle que soit leur orientation idéologique ou leur langue(d'ailleurs certains titres francophones comme El Watan,Le Matin etc arboreront comme une preuve d'indépendance le nombre de fois qu'ils ont été interdits de parution),mais à y regarder de plus près,il devient clair que contrairement aux apparences,tous les journaux privés n'ont pas été traités de la même façon et qu'il y avait ce qu'on pourrait appeler un "premier collège" et un "deuxième collège".Explication:un beau matin,le gouvernement décide de suspendre d'un coup une dizaine de journaux de différents bords politiques,mais une ou deux semaines plus tard,il décide de lever la suspension pour une partie seulement des journaux visés par cette mesure.La raison d'un tel deux poids,deux mesures est simple:la suspension prononcée était une mesure "groupée" pour des raisons différentes.Les journaux dont la suspension a été levée été l'ont été pour avoir publié des informations sensibles(surtout sécuritaires),alors que ceux dont l'interdiction de parution maintenue l'ont été en raison de leur ligne éditoriale.Et comme par hasard,la majorité des journaux de la première catégorie était francophones, éradicateurs et favorables à la junte militaire,alors presque tous les journaux de la seconde catégorie était arabophones et favorables à la réconciliation.Le résultat a été que des dizaines dejournaux arabophones nés entre 1989 et 1991,le seul journal qui a survécu à cette véritable hécatombe,c'est le journal El Khabar.Pourquoi El Khabar spécialement?L'explication est donnée par Abrous Outoudert ex-collaborateur de Abou Bakr Belkaid ministre de la Communication à l'époque des faits(1991) et actuel directeur du journal Liberté dans un article paru aujourd'hui:" El Khabar a failli disparaître si ce n’était l’intervention du ministre de l’Information de l’époque (1991) en l’occurrence Abou Bakr Belkaïd qui l’a aidé à surmonter ses difficultés financières. Il ne souhaitait pas que le seul journal en langue arabe qui défendait les valeurs républicaines disparaisse. J’en étais le témoin puisqu’à l’époque, je travaillais à ses côtés".Abou Bakr Belkaid n'était pas le seul au sein du Pouvoir à favoriser ouvertement une certaine presse au détriment d'une autre.L'ancien chef du gouvernement Belaid Abdesselam a révélé en 1999,qu'après avoir ordonné en 1993,la suspension de plusieures titres (Le Matin,Liberté etc..),le général Mohamed Touati qui servait d'interface entre la junte militaire et le gouvernement est intervenu pour le convaincre de lever la suspension de ces journaux.D'ailleurs lorsque Belaid Abdesselam démissionnera(ou sera démis)de son poste quelque jours plus tard,la première décision que prendra son successeur Reda Malek sera d'annuler la décision de son prédécesseur.
La conséquence naturelle de cette situation était qu'à partir de 1992 les projets de création de journaux arabophones s'orienteront progressivement vers la presse magazine destinée à un public d'adolescentes avec les ingrédients habituels(les derniers potins sur les stars de la chanson et du cinema et le sexe,mais peu ou pas de politique)).Et justement,l'un des tous premiers journaux qui expoloiteront avec succès ce filon est...l'hebdomadaire Echorouk El Arabi,l'ancêtre du quotidien Echorouk actuel.
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