mardi 7 février 2012

"Toutes les civilisations ne se valent pas":Regard croisé entre la France et l'Amérique

Le ministre de l'intérieur français vient de nous apprendre que "Contrairement à ce que dit l'idéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas. Celles qui défendent l'humanité nous paraissent plus avancées que celles qui la nient. Celles qui défendent la liberté, l'égalité et la fraternité, nous paraissent supérieures à celles qui acceptent la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique".On n'a pas besoin d'être un expert en politique intérieure franchouillarde pour comprendre que "les" civilisation visées c'est la civilisation islamique(celle qui accepte la tyrannie,la minorité des femmes etc..) et la civilisation occidentale(celle défendant bien sûr la liberté,l'égalité et la fraternité).Il serait donc intéressant de reproduire ici deux extraits de regards croisés entre la France et les USA publiés dans le sillage de la sulfureuse affaire DSK.Le premier est celui du philosophe français Pascal Bruckner et le second est celui de la correspondante à Paris du magazine américain Newsweek,Joan Juliet Buck.Commençons par celui de P.Bruckner:
L'Amérique du Nord, à l'évidence, a un problème avec le sexe qui vient de son héritage protestant mais elle veut en plus donner des leçons au monde entier. Laqualifier de puritaine ne suffit pas car c'est un puritanisme retors, d'après la révolution des mœurs, qui parle le langage de la liberté amoureuse et coexiste avec une industrie pornographique florissante. C'est très exactement un puritanisme lubrique : à quoi ont servi les affaires Clinton ou DSK ? A condamner l'érotisme pour mieux en parler, à se pourlécher des semaines, des mois durant de détails croquignolets, à évoquer la fellation, la semence, les organes génitaux avec une gourmandise faussement indignée. La jubilation obscène avec laquelle Kenneth Thompson a évoqué le vagin "agressé" de sa cliente Nafissatou Diallo est révélatrice à cet égard. Dira-t'on que dans le cas de Bill Clinton, c'est le mensonge qu'on a sanctionné plus que la passade avec la stagiaire de la Maison Blanche ? C'est évidemment faux puisque Georges Bush a menti sur les armes de destruction massive en Irak, supercherie infiniment plus grave, et n'a pas été inquiété pour cela. Eut-il couché avec son assistante, on l'eut immédiatement condamné aux galères, à la roue, au fouet. Mais les crimes de sang sont moins graves, apparemment, que les outrages conjugaux. [...]Il s'est passé en effet aux Etats-Unis un phénomène singulier qui n'a pas touché l'Europe : l'alliance du féminisme et de la droite républicaine, ultra conservatrice. Ces deux forces se sont unies, au nom d'intérêts différents, pour refermer le couvercle ouvert par les années 60-70. Voilà pourquoi tant d'intellectuelles féministes, telle une Joan Scott spécialisée dans le frenchbashing, sont devenues de purs et simples propagandistes du département d'Etat, chargées de promouvoirurbi et orbi l'American way of life. Cela explique l'ambiance de maccarthysme moral qui touche là-bas les choses de l'amour et dont les Américains les plus lucides s'alarment depuis longtemps. Dès le début des années 90, pour tout professeur étranger venant enseigner à l'université, de strictes consignes furent édictées : ne jamais recevoir une étudiante dans une pièce fermée à moins d'enregistrer la conversation, ne pas prendre l'ascenseur seul avec l'une d'elles et bien entendu ne pas entretenir une relation avec une femme de la faculté, même majeure et consentante, sous peine de renvoi immédiat. Les relations de travail dans les bureaux sont elles-mêmes assujetties à un certain nombre de règles : éviter les tenues trop seyantes, les conversations équivoques, les propos déplacés, s'engager à ne pas nouer de relations intimes entre collègues à moins de lesconclure par un mariage. On se souvient peut-être de cette université de l'Ohio qui avait tenté au début des années 90, appuyée par la principale organisation féministe de l'époque, de promulguer une charte réglementant l'acte intime entre étudiants : ceux-ci devaient en prévoir par écrit toutes les étapes jusqu'au moindre détail, toucher ou non les seins, enlever le corsage et faire enregistrer ce programme devant un responsable. La proposition, heureusement, ne fut pas retenue. Cette codification folle est le lot d'une société paniquée, dépourvue de toute culture amoureuse et qui veut imposer une police du désir à tous.
Et maintenant,celui de Joan Juliet Buck:
Anne Sinclair est trop influente et trop intelligente pour être une victime, mais son comportement irréprochable laisse perplexe des deux côtés de l'Atlantique. Sa meilleure amie, Elisabeth Badinter, a publiquement rejeté l'idée que la fidélité soit un élément important du mariage. N'empêche, commente une femme de la haute société française, "si elle voulait qu'il soit président, il fallait qu'elle le mette sous tranquillisants". Mais on ne peut comprendre Anne Sinclair sans tenir compte du fait que la France est une société très sexualisée, où même repousser des avances obéit à des règles et rituels. Les jeunes femmes savent jouer le jeu de ce que l'on appelle "la séduction*", les journalistes couchent avec des hommes importants parce que c'est marrant et parce que comme ça, disent-elles, les sources sont contentes. "Je me le suis fait", racontent beaucoup d'entre elles, "histoire de m'amuser un peu". Les Françaises savent comment repousser les avances en plaisantant ou en giflant de façon métaphorique. Le droit de cuissage*, ou droit de déflorer les vierges, était une prérogative des seigneurs et l'est toujours. Trousser une domestique a un nom en français : on parle d'amours ancillaires*. Ce qui s'est passé dans la suite 2008 a souvent provoqué la même hilarité que les pièces de Feydeau, où le maître besogne la servante entre deux portes pendant que sa maîtresse l'attend dans une chambre et son épouse dans une autre. [l'envers du décor, c'est que] seul l'homme prend du bon temps : dans les usines et les stations-service, les secrétaires font plaisir à leur patron pour garder leur travail. En France, les femmes n'ont pas eu le droit d'ouvrir un compte en banque avant 1943, ni de voter avant 1944. L'avortement a été légalisé en 1975, mais il a fallu pour cela que 343 femmes – dont Jeanne Moreau, Simone de Beauvoir et Catherine Deneuve – disent dans Le Nouvel observateur qu'elles y avaient eu recours. Leur texte a été baptisé Le Manifeste des 343 salopes. Le mot salope est souvent utilisé au lit par les hommes français pour exciter leur partenaire ou s'exciter eux-mêmes. Et aussi pour désigner ce que nous appelons aux Etats-Unis une pute.
En effet,toutes les civilisations ne se valent pas.Il en est qui sont plus trash que d'autres.

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