Le titre de l'article paru à la une du journal El Watan d'aujourd'hui(5 octobre 2011) est un véritable chef-d'oeuvre de schizophrénie!Qu'on en juge:"Débits de boissons alcooliques:la fetwa et la fitna de El Hachemi Sahnouni".La schizophrénie réside dans le fait que l'auteur de l'article,Hacen Ouali, a eu recours dans un seule phrase à deux imaginaires culturels totalement différents et même carrément hostiles l'un à l'autre.D'abord en utilisant de manière très malveillante le terme "fetwa",un vocable issu de la jurisprudence islamique,mais qui évoque depuis 1989 et la fameuse fetwa condamnant à mort l'écrivain Salman Rushdie émise par l'Ayatollah Khomeiny,des souvenirs très inquiétants dans le subconscient occidental.Pour les citoyens du monde occidental "fetwa" est devenu synonyme de condamnation à mort,alors que pour un musulman,ce terme a une signification beaucoup plus vaste.Curieusement,c'est la première signification qui est reprise habituellement par une bonne partie de la presse francophone algérienne influencée par les "standards" culturels parisiens.D'ailleurs,il serait très intéressant de répertorier tous les termes repris tels quels par cette presse sans aucun travail "critique" préalable(le terme "transalpin",très largement utilisé par cette presse pour désigner l'Italie, est le premier mot,même si c'est le plus anodin,qui me vient à l'esprit:on n'a pas besoin d'être calé en géographie pour savoir qu'un algérien n'a pas besoin de traverser les Alpes pour se rendre en Italie).Pour revenir donc au mot "fetwa",ce terme est habituellement utilisé par la presse francophone algérienne,imitant en cela son homologue parisienne,avec une connotation très péjorative.Quelqu'un qui émet un "fetwa"(qu'il soit homme politique,homme de religion ou intellectuel) est un ennemi de la paix civile et même un suppôt potentiel du terrorisme.Peu importe que le lectoral auquel est destiné cette presse soit à 99% musulman et a donc une perception totalement différente de ce mot.
Le deuxième imaginaire auquel a recours l'auteur de l'article est l'imaginaire arabo-musulman:en effet,le terme "fitna" a une signification très profonde dans l'inconscient arabo-musulman.Il évoque la "Grande Fitna" entre Ali et Mouawiya et le profond déchirement du monde musulman qui en a résulté.Le message véhiculé par le titre est aussi évident que la profonde schizophrénie qu'il trahit:en émettant une prétendue fetwa infame(mais pourquoi la répétion?toute fetwa est par essence infame dans ce milieu-là),l'imam Sahnouni s'est rendu coupable d'une grave atteinte à l'ordre public et d'une incitation à la violence.
Peu importe après celà que le tract lancé n'est en rien une fetwa(la fetwa prohibant l'alcool a été émise il y a plus de 1400 ans) et que les citoyens n'ont pas attendu cet appel pour se révolter contre ces débits de boissons qui sont une véritable menace à la quiétude des riverains.Peu importe aussi que les reporters de cette même presse(dont El Watan) a vainement cherché la main des islamistes dans les émeutes contre les débits de boissons sans jamais les trouver.
P.S:le mot"fetwa" lui-même est un condensé de cette schizophrénie.A Paris,on dit plutôt"fatwa",un terme qui a,comme je l'ai déjà dit une connotation très inquiétante.On se souvient qu'en 2005 lorsqu'un dirigeant d'une association musulmane a rendu publique,croyant bien faire, une "Fatwa" interdisant aux jeunes des banlieues de participer aux violences qui ravageaient à cette époque la France,tout l'establishment politico-médiatique français s'est élevé contre cette initiative en raison justement de l'usage délibéré du mot "Fatwa" dans cette prise de position,bien qu'elle appelait au retour au calme.Chez nous,le microcosme médiatique algérois a recours à la transcrition algérienne du mot("fetwa" avec un "e" au lieu de "a" et qui évoque donc quelque chose de tout à fait différent)tout en lui donnant un sens...parisien
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